Le célèbre dessinateur de bandes dessinées Hergé a fréquenté l’Institut Saint-Boniface et sa troupe de scouts. De son passage dans la prestigieuse école ixelloise, il reste quelques reliques : un chapeau, un carnet de route, des revues imprimées à l’école, des photos et… des dessins d’Hergé sur les murs !
Ce ne sont pas des tags. Au contraire, il s’agit d’une première commande d’artiste !
Les scouts de Saint-Boniface ont, en effet, vite compris que Georges Remy avait du talent. Il sera rapidement mis à contribution pour… décorer leur local. En 1922, à 15 ans, à l’aide de pochoirs qu’il réalise, il peint sur les murs du local divers personnages en action : des chevaliers, des scouts jouant à tirer à la corde, d’autres descendant à cette même corde, une frise représentant une file de scouts et d’indiens rampant à la manière des éclaireurs… Il complète la déco par une carte de géographie de Belgique.
Les dessins qui ont servi de modèle aux pochoirs sont de très grande qualité. En soi, mais aussi parce que, ensemble, ils racontent une histoire dans une succession spatiale et temporelle. C’était révolutionnaire pour l’époque. Sans (trop) d’exagération, on pourrait écrire que cette oeuvre murale est le chaînon manquant entre Lascaux et la bande dessinée moderne.
Patrimoine en danger !
Abandonné en 1925 et transformé en garage pour le car de la troupe, le local n’a heureusement jamais été repeint.
Ces fresques sont cependant très abîmées et ne sont jamais montrées au grand public. Nous plaidons ici pour qu’elles soient restaurées et que le local soit transformé en un petit espace racontant la vie d’Hergé au sein du mouvement scout. Expérience qui a eu une influence majeure sur son oeuvre comme nous le verrons ci-dessous. Pour ne pas perturber et envahir l’école, ce petit musée-conservatoire pourrait être ouvert quelques fois par an. Par exemple à l’occasion des journées du patrimoine, de la Fête de la bande dessinée, d’une fête scoute, des journées pédagogiques ou des portes ouvertes de l’école…
Hergé à Ixelles : de l’enseignement officiel à l’école catholique
Georges Remy accomplit sa première année du secondaire à l’Ecole Supérieure de la place de Londres en 1919. Cette année, il fréquente les scouts neutres. Mais, dès la rentrée suivante, ses parents l’inscrivent à l’Institut Saint-Boniface voisin (sur le conseil insistant du patron du père d’Hergé qui ne pouvait comprendre qu’un enfant fréquente des scouts « sans Dieu »).
Il y rejoindra naturellement la troupe scoute de son nouveau collège sous le totem de « Renard Curieux ». Au sein de la patrouille des Aigles puis CP des Écureuils, il vivra des aventures merveilleuses (dont la traversée des Dolomites et, l’année suivante, des Pyrénées), lui qui avait passé, selon ses propres mots, une enfance assez terne et grise.
L’intégration au scoutisme va bouleverser sa vie sociale et lui offrir les premières occasions de fourbir ses armes d’illustrateur !
Georges Remy, illustrateur scout
En effet, dès 1922, il est chargé d’illustrer la petite publication de la troupe de Saint-Boniface : le Jamais Assez. Comme l’explique Philippe Goddin, réservée aux seuls scouts de la troupe, la diffusion de la revue est plus que confidentielle. De plus, elle est reproduite sur stencil. Technique assez pénible qui nécessite de graver les dessins à l’aide d’une pointe d’acier dans un film fragile et qui donc limite le champ d’expression artistique. Le trait doit se contenter du stricte nécessaire, ce qui sans le vouloir préfigurera la technique de la ligne claire.
Malgré ces contraintes et la faible qualité de l’impression, les dessins produits par le petit Georges Rémy sont de grande qualité et vont attirer l’œil de René Weverbergh.
Ancien chef scout de la troupe de Saint-Boniface, Weverbergh est directeur de la revue mensuelle Le Boy-Scout, éditée par les Belgian Catholic Scouts. Contrairement à la simple convoc’ illustrée de Saint-Boni, Le Boy-Scout est une publication largement diffusée et imprimée avec des moyens professionnels.
Remy est invité à rejoindre l’équipe des illustrateurs. Il sera chargé de dessins didactiques (comment plier une couverture, comment lancer le lasso, etc.) et de reportages graphiques (notamment retracer les grands camps d’été à l’étranger). A partir de 1923, on lui confie carrément la composition d’une page entière.
Du scoutisme à l’invention de la bande dessinée
Ces années au service des revues du mouvement scout, vont permettre à celui qui signe alors « Georges Remy de Saint-Boniface » d’esquisser les techniques de la narration par le dessin : les dessins successifs pour expliquer une action ou décomposer le mouvement (qui préfigureront les cases des BD), des notes sortant des instruments de musique (sortes d’ancêtres des onomatopées) ou encore les premiers traits qui indiquent le mouvement.
Hergé a véritablement inventé la bande dessinée à Saint-Boniface !
Sources :
- Photographies (c) Serge de Faestraets
- Goddin Philippe, Les débuts d’Hergé, du dessin à la bande dessinée, Moulinsart, 1999
- Leblanc Raymond (éditeur), Hergé et Tintin reporters, du Petit Vingtième au journal Tintin, éditions du Lombard, 1986
- Cahier du CHBS n°2
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